• Conférence sur l'usage de la psycho-généalogie en généalogie

    Deuxième conférence suivie durant le dernier salon de généalogie Paris XVe!

    Conférence sur l'usage de la psycho-généalogie en généalogie

    Pyschogénéalogie : une approche empirique à partir d’une histoire familiale

    par Laure Mestre

     

    Riche d’une formation plurielle, l’intervenante n’est pas du tout psycho-généalogiste, elle l’a partiellement étudiée via l’analyse des photographies, par exemple ; il ne s’agira pas ici de faire un cours de psycho-généalogie, mais de revenir sur la démarche suivie pour l’écriture d’un livre qui y fait écho, ainsi que ses usages, risques et limites pour le généalogiste.

    Commencé en 2017, après la mort de sa mère, ce livre était une façon d’explorer une ascendante alsacienne qui n’était jamais discutée dans la famille. Or, Jeanne Thomas, l’arrière-grand-mère de l’autrice, reste présente via des lettres, notes généalogiques… ….et un vide, un appel, que ressent l’autrice pour cette ancêtre en particulier. Née à Colmar, s’étant mariée en Alsace, la mémoire familiale dit qu’elle quitte ensuite l’Alsace, bien que des informations généalogiques disent que ce départ des racines n’a pas été si rapide que ça.

    Laissant tous ses archives papier et internet de côté, l’autrice décide, dans un premier temps, d’écrire un récit spontané, sur la base de tous les souvenirs qu’elle peut conserver ou les détails dans son environnement qui lui évoque cette histoire familiale alsacienne, et produit ainsi 10 chapitres. Elle fait silence, écoute, exprime ses ressentis, ses douleurs, les conversations qu’elle capte, ses rêves et leurs thématiques récurrentes, avec des scènes qu’elle ne peut pas avoir vécu. Elle griffonne un arbre généalogique retraçant sa lignée maternelle, jusqu’à cette ancêtre née dans l’Alsace sous contrôle allemand, et fille d’un propriétaire de source d’eau minérale.

    A l’issue de cette phase introspective, à l’écoute de ses propres ressentis et de son environnement, elle va lancer une phase de dépouillement. Elle ouvre les documents, du moins, les documents familiaux qui sont conservés chez elle. Il en ressort à nouveau une dizaine de chapitres, assez cohérent des intuitions qu’elle possédait et qu’elle avait fait ressortir. Elle possède de nombreuses photos de familles et des croquis réalisés par des artistes dans la famille, des journaux et des rédactions réalisées par sa mère enfant. A l’issue de cette deuxième phase, l’arbre généalogique est bien plus étoffé et fait le lien avec le contexte historique, qui, du fait du contexte alsacien, a des conséquences cruciales pour la familles, notamment du point de vue des nationalités changeantes… Jeanne devient Française par le mariage, ses frères sont toujours Allemands… …et la guerre éclate. Mais l’arbre s’étoffe aussi de points d’interrogation et de questions. Des répétitions apparaissent et posent question (notamment concernant le nombre d’enfants).

    Il est temps de lancer une enquête généalogique, après avoir lu « Aïe, mes aïeux ! », d’Anne Schützenberger : voyage en Alsace, sur les lieux de l’histoire familiale, travail en archives (départementales, municipales mais aussi d’entreprise, concernant la source d’eau minérale), via les associations et sur internet… De nombreuses lectures permettent de contextualiser et de multiplier les points de vue. Des cousins éloignés acceptent des rencontres, des échanges, enrichissent les archives familiales. Une lignée de femmes sur 7 générations est reconstituée.

    A la lecture, des coïncidences se multiplient, sur toutes ces générations : nombre d’enfants, filles nées à un an d’écart, redondances de prénoms, récurrence de dates ou dates symboliques, influence d’une personnalité forte ayant imprimé une marque sur sa descendance…

    Il est dès lors intéressant de relire cette généalogie à l’aune de la psycho-généalogie, en prenant également en compte le contexte social et historique très particulier. Une mémoire inconsciente semble persister, au vu de la première phase d’écriture. Le travail d’enquête mené permet de faire émerger des secrets de famille, via des révélations ou via un travail en archives. Par exemple, la nationalité de naissance de la grand-mère de l’autrice, née allemande, une vérité que refusait d’accepter sa mère. Ou encore, la personnalité un peu trouble de l’ancêtre à la personnalité forte.

    Syndrome d’anniversaire, loyauté familiale invisible, impacts de la non-transmission du patronyme ou enjeux autour du prénom d’usage, enfant de remplacement/fantôme… on retrouve dans cette généalogie tous les aspects soulignés dans la théorie de la psycho-généalogie.

    Il en ressort que les recherches généalogiques et psycho-généalogiques peuvent s’alimenter mutuellement. Faire preuve de curiosité est essentiel, dépasser les dates et les lieux et questionner systématiquement tous les détails, ce qui est inscrit entre les lignes, mettre par écrit les questions et les hypothèses… permet d’alimenter ses enquêtes et d’amener des conclusions. A l’inverse, ce que l’on sait sur la théorie psycho-généalogique permet d’aller plus loin ou plus vite, sur certaines recherches généalogiques (répétitions de dates ou de prénoms).

    Cependant, cette approche présente également des risques et des dérives. Se pratiquant à l’échelle individuelle, la psycho-généalogie est surtout liée à un usage thérapeutique pour se délivrer de liens généalogiques trop lourds à porter, se libérer de mémoires transgénérationnelles, comprendre pour s’alléger. C’est un outil à disposition des professionnels… mais il y a également dans cette sphère de nombreux charlatans, ce qui invite à la plus grande prudence. Des coachs proposant des approches ésotériques, des libérations karmiques, des activations vectorielles, des reconnections à l’étincelle originelle, voire des approches presque sectaires… Entre personnes ne disposant pas de la formation adéquate, praticiens qui ne pourront offrir un encadrement sérieux, et personnes réellement mal intentionnées et cherchant à profiter de la faiblesse de gens en questionnement ou en souffrance, il convient de rester sur ses gardes. Défaire des liens ne passe pas par des rituels magiques mais par un travail sur soi-même important, et si les problématiques sont particulièrement difficiles, cela demande l’aide d’un professionnel.

    Enfin, un autre écueil tient à un sentiment de fatalisme, amenant à penser que l’on ne peut que subir un destin hérité des ancêtres. Là encore, prudence… et optimisme ! Il n’est pas ici question de se poser en victime de l’inéluctable, mais de faire de cette discipline une simple clé pour raconter ses ancêtres, une manière de les écrire et de les connaître, de façon distincte d’eux, en prenant du recul sur ce qu’ils furent et ce qu’ils ont transmis. Accorder ni trop ni trop peu d’importance au passé, d’autant que nous sommes héritiers de nombreux destins, qui recèlent aussi du bon, de belles choses… …et que nous sommes aussi le fruit de notre propre parcours personnel.

     

    Laure Mestre a raconté toute cette enquête généalogique dans un livre à la mémoire de Jeanne!

     


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